top of page

Portrait artistique: Casey

slave trade legacy in the rapper's Casey art - MANIFEST

PORTRAIT ARTISTIQUE : CASEY, L’HISTOIRE DE L’ESCLAVAGE DANS LES TEXTES DE CASEY


Mylène

Depuis plusieurs années, la scène hip-hop en France comporte plusieurs artistes rap abordant l’histoire de l’esclavage et ses répercussions. Parmi eux et elles, l’artiste Casey, à la plume franche et acerbe. Une démarche appelant de nombreuses références historiques que l’on entend à la fois dans ses paroles, dans la production musicale ou que l’on observe dans la réalisation de ses clips.


Le récit de l’histoire de l’esclavage dans le rap de Casey

De ses deux albums solos sortis en 2006 et 2010, mais aussi de son album opéré avec le collectif hybride-rock Ausgang, il ressort distinctement des références à l'histoire de la traite transatlantique et de l’esclavage colonial. Ces références, Casey les amène à travers l’évocation de ses racines antillaises. Martiniquaise, née dans l'Hexagone, cette « anomalie du 93 avec une gueule caribéenne »  — extrait des paroles de , Ausgang, 2020 (A Parte) – retranscrit le passé colonial de l’île, dès son premier album solo « Tragédie d’une trajectoire », avec le titre éponyme et le morceau . Même évocation forte dans son deuxième album solo « Libérez La Bête », avec le morceau sucre (2006, Anfalsh). Ce morceau relate différentes étapes de la traite et de la mise en esclavage : l’achat (), la mise au travail forcé () pour produire des denrées économiques consommables, telles que le cacao, le sucre.

En personnifiant la journée d’une personne esclavisée, et accompagné par la cadence lente de la mélodie, Casey décrit la douleur physique et psychologique du travail forcé sur les plantations esclavagistes, tout en évoquant aussi les actes de résistance : la personne  s'organise et se rebelle au fur et à mesure du titre.

Le titre peut se lire d’une double manière : à la fois comme le récit d’une journée d’une personne esclavisée dans les Antilles françaises et comme l’analyse de la situation présente sur l’île. Les références au passé se mêlent à la situation sociale présente, et se retrouvent dans le champ lexical utilisé par Casey.


, « Libérez La Bête » de Casey (2010, A-parte)

Le récit de l’histoire de l’esclavage par les images

Cette histoire de la traite transatlantique apparaît également dans les clips de Casey. Dans  (album Libérez La Bête, Sac de Sucre, piste 3 (2010, A-parte), Casey utilise le même procédé que mais change la focale et raconte la scène du point de vue du colon. À son précédent récit de l’histoire de l’esclavage, Casey inclut le questionnement de la perception du corps de l’esclave noir.



Elle aborde dans ce même titre la déportation et l’esclavage, tout en évoquant « la mission civilisatrice » qui fait partie des arguments ayant servi à lancer, aux 15e et 16e siècles, le processus de colonisation et de conquête extra européenne.



https://www.youtube.com/watch?v=Fa7nN1YXQv0

Dans ce clip, réalisé par Chris Macari, la représentation des corps est largement mise en avant. Ces derniers sont multiples, anonymisés, se tordent en reprenant les archétypes de la représentation d’un rituel que les personnes mises en esclavage pouvaient pratiquer.

Pour aborder le corps et la violence du système esclavagiste, le réalisateur utilise à plusieurs reprises la photographie du dos lacéré de l’esclave africain-américain Gordon (à 0,41 sec dans et à 1,37 dans ). Cette photographie a longtemps été utilisée par les abolitionnistes pour montrer la réalité de la violence de l’esclavage colonial.

https://www.youtube.com/watch?v=B14HhFLZCw4

Le récit de l’histoire de l’esclavage à travers son histoire intime

Casey continue à faire ce récit à travers un discours plus personnel, voire intime, en évoquant les conséquences de cette période historique sur la diaspora antillaise. Visuellement, cette idée est incarnée dans le clip du titre réalisé une nouvelle fois par Chris Macari et tourné à la Martinique. 

En introduction, des scènes du quotidien de l’île côtoient des images personnelles et familiales mettant en scène Casey en conversation avec sa grand-mère et parlant en créole martiniquais. À cet écho intime d'une petite fille martiniquaise, Casey (s'im)pose volontairement dans un espace géographique marqué par l’histoire de l’esclavage à la Martinique. Elle est alors filmée au cœur de lieux importants, comme au mémorial Cap 110 de l’anse Cafard situé au Sud de l’île, qui commémore l’échouage d’un bateau de la traite sur ses côtes. Par ailleurs, en interpellant les auditeurs et auditrices, Casey incite ces derniers à s'écarter de l'image édulcorée des Antilles préférant évoquer le patrimoine culturel antillais à travers des références au psychiatre engagé en Algérie, Frantz Fanon, à l’écrivain Aimé Césaire ou au chanteur aux pieds nus, Eugène Mona).

Se raccrocher à l’histoire à travers les inspirations brutes de la musique antillaise

Toutes ces références existent aussi dans le choix des productions musicales. Elle utilise, dans ses morceaux, des musiques traditionnelles nées aux Antilles, à la période de l’esclavage, comme le gwo ka et le bélé, par exemple dans l’introduction du titre  et la conclusion de . Un pont vers une pratique artistique et engagée qu’elle poursuit à travers le projet ExpéKa Trio, présentée sur scène avec la flûtiste Celia Wa et le batteur Sonny Troupé. 

Extrait sonore de Aparté - Casey:

Plus récemment, Casey développe des projets mêlant rock et rap, comme celui d’Ausgang (avec Sonny Troupé, Marc Sens et Manusound). Elle évoque l’essence de ces musiques qui ont, en partie, pour berceau le continent américain et l’histoire de l’esclavage.

.

Discography

🔶2006, Tragédie d’une trajectoire (Anfalsh/Dooen Damage/Aparte)                 -  Tragédie d’une trajectoire                 -  Chez Moi 🔶2010, Libérez la Bête (Ladilafé/Aparté/Anfalsh)                  - Regard Glacé                  - Créature ratée                  - Sac de sucre 🔶2020, with Ausgang - Gangrene (Aparté)                 - Chuck Berry

Pour aller plus loin :

🔶 Portrait et interview de l’artiste, ARTE “28 MINUTES”, France, 20. A consulter en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=NLIZLJM-EJc

Slave trade transatlantic; history slavery; Encyclopédie d'histoire numérique de l'europe

Table of Contents

À propos de l'auteur

Mylène est rédactrice musicale et productrice radio à l’origine d’émissions et documentaires sonores. Elle y aborde l’histoire des musiques et, parfois, leurs hybridités sonores. Elle est également jeune chercheuse en Histoire.

Bibliographie

Myriam Cottias, Elisabeth Cunin et António de Almeida Mendes (dir.) , Paris, Karthala, 2010, 396 p.

LIRE PLUS

The genesis of the notion of race

JOIN OUR NEWSLETTER!

 
 
bottom of page